Une étude préclinique menée par des chercheurs de Weill Cornell Medicine a révélé un mécanisme fascinant par lequel les cellules immunitaires du cerveau, appelées microglies, participent à la dégradation des plaques amyloïdes caractéristiques de la maladie d’Alzheimer. Publiés dans Cell Reports le 6 décembre, ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives pour le développement de traitements ciblés visant à renforcer l’efficacité des microglies dans la lutte contre cette pathologie.
Les microglies, véritables éboueurs du cerveau, ont la capacité de se déplacer pour éliminer des déchets cellulaires comme les microbes ou les cellules mortes. Cependant, la façon dont elles parviennent à s’attaquer aux plaques amyloïdes, ces agrégats massifs beaucoup plus grands qu’elles, restait jusqu’alors mystérieuse. Les chercheurs ont découvert que les microglies adoptent un processus appelé exophagie digestive : elles se fixent à une plaque, forment une sorte d’« estomac externe » et y libèrent des enzymes digestives capables de fragmenter les dépôts amyloïdes.
Une découverte inspirée d’autres cellules immunitaires
Ce mécanisme rappelle celui observé chez les macrophages, des cellules immunitaires qui opèrent dans le reste du corps. Ces dernières, face à des amas trop grands pour être phagocytés, sécrètent des enzymes lysosomales pour les digérer progressivement. Inspirés par cette similitude, les chercheurs ont d’abord testé cette hypothèse sur des microglies de souris cultivées en laboratoire. Ils ont constaté que, lorsque ces cellules entraient en contact avec une plaque amyloïde, elles créaient une zone scellée autour de l’amas et y sécrétaient leurs enzymes digestives, tout en acidifiant la région pour activer ces enzymes.
Les chercheurs ont ensuite confirmé leurs résultats dans un modèle murin de la maladie d’Alzheimer. À l’aide de la microscopie électronique, ils ont observé des poches créées par les microglies autour des plaques amyloïdes, confirmant la présence d’enzymes lysosomales dans ces zones.
Un rôle paradoxal dans la progression de la maladie
Bien que les microglies contribuent à la dégradation des plaques amyloïdes, elles peuvent également favoriser leur propagation. Ce paradoxe intrigue les chercheurs, qui ont exploré comment l’exophagie digestive pourrait être impliquée dans la dissémination des plaques dans le cerveau. Lorsqu’une microglie est saturée par des fibrilles amyloïdes – de petits fragments de plaques – elle finit par rejeter les résidus qu’elle ne parvient pas à digérer. Ces résidus peuvent ensuite se fixer à d’autres plaques, facilitant leur expansion.
Les microglies, capables de se déplacer rapidement dans le cerveau, peuvent ainsi répandre ces « graines » de fibrilles amyloïdes dans d’autres régions, contribuant indirectement à l’évolution de la maladie.
Vers de nouvelles stratégies thérapeutiques
Cette découverte ouvre la voie à de nouveaux traitements contre Alzheimer. Les chercheurs souhaitent désormais vérifier si les cellules humaines utilisent également ce processus. Pour ce faire, ils comptent utiliser des cellules microgliales dérivées de cellules souches humaines, ce qui permettra de tester une variété de thérapies.
Selon le Dr. Frederick Maxfield, professeur en neurosciences à Weill Cornell Medicine, des médicaments existants capables d’augmenter la sécrétion lysosomale pourraient être adaptés pour renforcer l’exophagie digestive dans les microglies.
Cette avancée prometteuse pourrait non seulement approfondir notre compréhension des mécanismes de la maladie d’Alzheimer, mais également offrir des solutions innovantes pour ralentir sa progression. Le défi reste néanmoins immense, et d’autres recherches seront nécessaires pour transformer ces résultats en traitements efficaces pour les patients.
Nouhad Ourebzani